Vivre avec...
Publié le 5 Juin 2017
Je me fait parfois des scénarios dans le train, dans les couloirs du RER, dans le métro, dans les magasins et depuis quelques mois sur les trottoirs des artères fréquentées...
Je vois le nombre de morts et je me dis qu'on a plus de chance de s'en sortir si ça arrive comme ci ou comme ça.
J'ai déjà adapté mon cerveau tout en ne sachant évidemment pas comment je réagirai en vrai.
Je pleure parfois, pas toujours. Je m'identifie parfois, pas toujours... Je m'identifie encore plus quand j'imagine que les victimes de Manchester ressemblent à toutes ces petites filles que j'ai croisées au concert d'Ariana Grande à Paris... Je viens d'acheter des billets pour Londres et je me demande si j'annule ou au contraire, j'y vais plus que jamais.
Tout à coup je craque, je n'y crois plus, je ne crois plus à aucun avenir radieux... Je sens sur mes épaules un poids énorme et je suis complètement démunie... Le lendemain je repars avec optimisme. Moi qui déteste ça, je suis devenue une montagne russe...
C'est de plus en plus difficile de dire et de croire au "ils n'auront ni ma haine ni ma peur..." De belles phrases courageuses qui ne font plus effet. On vit avec tant bien que mal et on hurle des paroles de haine, le coeur s'accélère lors d'un mouvement de foule... On se prend à penser que tiens c'est trop calme chez nous et l'épée de Damoclès revient se positionner dans l'ombre...
Les réseaux sociaux amplifient, déforment et à la première annonce, ma réaction n'est pas d'y croire mais de vérifier. Vérifier avec la boule au ventre.
Et quand vient la confirmation, je ressens le choc, je suis abasourdie mais mon premier geste n'est pas de le dire sur les réseaux anxiogènes. Il y règne un climat de défiance, de mensonge, de violence et encore un moyen d'attirer l'attention sur sa petite personne...
Moi aussi je suis secouée par les attentats et pas uniquement les européens, ce n'est pas parce que je ne poste rien, les corps des victimes encore chauds, que je ne ressens rien...
Néanmoins je comprends ce besoin de prendre part à l'indignation collective, de se sentir moins seul dans sa peine, sa haine ou son état de démuni face à quelque chose qui nous dépasse... tout comme je comprends le besoin d'être seul avec ses proches et de les serrer fort...
On va vivre avec parce qu'on n'a pas le choix comme tous ces pays l'ont fait avant nous et depuis tant d'années... mais ne pas avoir le choix c'est quand même une des plus grosses saloperies que nous fait la vie et pas qu'en matière de terrorisme...
Vivre avec sans jamais avoir peur c'est peut-être un peu trop demander, une réaction humaine est souvent spontanée, vive ou disproportionnée. Est ce qu'il y aurait autant de victimes hier soir à Turin dans un autre contexte ?
Vivre avec sans jamais avoir la haine, ça aussi c'est trop me demander parce même si j'avoue que je ne sais pas exactement précisément contre qui retourner cette haine, elle est là tapie dans l'ombre...
Vivre avec est en train de devenir le nouveau vivre, j'ai quand même l'espoir que ça s'arrête un jour...
Mais quand je vois tout l'espoir donné hier soir sur la scène du magnifique et tellement émouvant "fucking great" concert événement historique #ONELOVEMANCHESTER, j'ai à nouveau envie d'y croire... Croire que l'amour, la tolérance et la générosité vont triompher...
Et même si ça dure uniquement quelques heures, quelques jours, quelques mois, ça fait un bien fou ! Je repars sur mes montagnes russes personnelles et je vis avec...
Ps : si vous avez loupé ce concert d'anthologie, je vous conseille vivement de le regarder en replay ou autrement... c'est plus que nécessaire, c'est vital... Au fur et à mesure de l'avancement du concert, je me suis sentie revivre, le pouvoir de la musique et du rassemblement est réel...