Vous qui êtes mères de mère en fille, peut être trouvez tout ce qui se passe entre vous et vos enfants tellement naturel, tellement évident.
Moi, ça fait plus de 9 ans que je m'émerveille et que je me dis que ce lien qui m'unit à mon enfant est magique et incroyable à tous les niveaux. Que tout ce que je vis avec ma fille relève un peu du domaine de la magie (même si oui je suis comme tout le monde, je perds patience et je m'énerve quand la magie se transforme en agacement) parce que mes émotions jouent aux montagnes russes.
Une mère a un enfant, elle est censée l'aimer, le chérir, le protéger ou tout simplement l'élever sans lui faire de mal. Quand est-ce que ça déconne ? Quand est-ce que la mère ne joue plus son rôle de mère ?
Est-ce que ça vient de son enfance, est-ce que sa mère à elle n'a pas assuré ? Ou son père ? Est-ce qu'elle est dépassée ? Est-ce qu'elle était trop jeune ? Est-ce que ce n'est pas ce à quoi elle s'attendait ? Est-ce qu'elle ne ressent rien pour la chair de sa chair à qui elle a pourtant donné vie ? Pourquoi ça casse ?
Je ne peux répondre à toutes ces questions, je n'ai pas les infos nécessaires dans mon cas mais la chaîne maternelle s'est cassée. Quand je dis qu'elle s'est cassée c'est parce que je n'ai pas grandi avec ma mère. J'ai vécu avec elle jusqu'à l'âge de 5 ans et je n'ai que des bribes de souvenirs sur des faits précis mais pas sur son comportement de mère. Puis ensuite, je n'ai pas partagé tous ces jolis moments qu'on est censé vivre avec sa mère. Je pense que ma mère a continué de m'aimer de loin mais je n'en savais rien.
Est-ce que ça a commencé avant ma mère ? Est-ce que sa mère à elle, la grand-mère que je n'ai pas connue, a été une bonne mère et la mère de sa mère avant elle ?
Pourtant je ne me pose pas de questions sur mon rôle de mère tellement il me saute aux yeux, tellement il m'envahit par tous les pores de ma peau, dans mon coeur, dans ma tête, dans mes entrailles. On reproduit le schéma familial il paraît, on dit que l'enfant battu devient un parent violent mais je ne pense pas que ce soit une fatalité. Pourquoi une personne est-elle plus forte qu'une autre ? Pourquoi une personne va arriver à s'en sortir et pas l'autre ? Pourquoi y a t'il des mères qui craquent pour un détail qui paraîtra insignifiant aux yeux d'une autre ?
Parfois j'ai le sentiment que tout ça me fait tellement relativiser ma façon d'être mère. Mais qu'est ce que les parents en général se prennent la tête pour des broutilles... C'est aussi pour cela que je n'ai jamais adhéré à cette fausse mode des mères indignes (article publié en 2010 bien avant que tout le monde ne soit agacé...)
Je lui demande à Nina ce que ça fait d'être dans les bras de sa maman, de se faire câliner, d'être écoutée, de ne pas se poser de questions justement sur ce lien qui nous unit. Elle me répond "C'est cool, je suis bien, je suis heureuse..." Et c'est tellement naturel finalement qu'elle le vit tout simplement sans y penser comme je le fais.
Alors que moi, tout ce que je vis avec ma fille me renvoie au fait que je ne l'ai pas vécu avec ma mère et quelque fois j'ai de la peine. J'aurais aimé savoir tout ce que ça fait, j'aurais aimé avoir des souvenirs de ceux que je procure à Nina. Je ne me lamente pas sur le passé, non ce n'est pas mon genre, je crois avoir testé la résilience bien avant que Boris Cyrulnik ne vulgarise le concept. Mais ça a l'air si doux de se blottir dans les bras d'une maman quand on a un gros chagrin, si drôle de faire les folles sans raison, si chouette de partager des émotions autour d'un film ou d'une série. Tout ça a l'air tellement bien, forcément ça fait envie !
Ps : je parle de moi qui suis mère, c'est ma situation personnelle et mon vécu et je ne dis pas que l'enfant a obligatoirement besoin d'une mère, la preuve je m'en suis sortie quand même. De l'amour il en faut par contre et j'en ai eu ailleurs.