Incendies / Même la pluie, revue de films
Publié le 6 Février 2011
Incendies de Denis Villeneuve
Avec Lubna Azabal, Mélissa Désormeaux-Poulin, Rémy Girard...
"A la lecture du testament de leur mère, Jeanne et Simon Marwan se voient remettre deux enveloppes: l’une destinée à un père qu’ils croyaient mort et l‘autre à un frère dont ils ignoraient l’existence.
Jeanne voit dans cet énigmatique legs la clé du silence de sa mère, enfermée dans un mutisme inexpliqué les dernières semaines précédant sa mort. Elle décide immédiatement de partir au Moyen Orient exhumer le passé de cette famille dont elle ne sait presque rien…
Simon, lui, n’a que faire des caprices posthumes de cette mère qui s’est toujours montrée distante. Mais son amour pour sa sœur jumelle le poussera bientôt à rejoindre Jeanne et à sillonner avec elle le pays de leurs ancêtres sur la piste d’une mère bien loin de celle qu’ils ont connue."
"Incendies" est l'adaptation de la pièce de théâtre au succès mondial écrite par Wajdi Mouawad dans laquelle l'auteur évoque la difficulté de l'exil, lui qui a du abandonner le Liban à l'âge de huit ans.
Le film comme la pièce n'est pas situé dans un pays en particulier. On pense au Liban, à l'Irak mais on sait juste que c'est un pays du Moyen Orient torturé par des conflits religieux.
Un film touchant et profond qui aborde des sujets graves comme la guerre sans jamais tomber dans la complaisance ou le pathos malgré des scènes très dures. Une histoire d'enfants à la recherche d'une mère, une mère mystérieuse, absente et hantée par son passé mais qui n'a jamais osé ou pu l'aborder. Une histoire de bourreaux et de victimes, une histoire sur l'absurdité des guerres religieuses, une histoire d'amour filial magnifique, une quête de sens, une histoire forte qui nous laisse sans voix et qui continue à faire son chemin dans mon esprit.
Lubna Abazal qui joue la mère est formidable, toute en retenue mais bouleversante. Et la lancinante musique de Radiohead qui accompagne le film semble écrite pour lui...
Même la pluie de Icíar Bollaín
Avec Gael García Bernal, Luis Tosar, Carlos Aduviri...
"Sebastian, jeune réalisateur passionné et son producteur arrivent dans le décor somptueux des montagnes boliviennes pour entamer le tournage d'un film. Les budgets de production sont serrés et Costa, le producteur, se félicite de pouvoir employer des comédiens et des figurants locaux à moindre coût. Mais bientôt le tournage est interrompu par la révolte menée par l'un des principaux figurants contre le pouvoir en place qui souhaite privatiser l'accès à l'eau courante. Costa et Sebastian se trouvent malgré eux emportés dans cette lutte pour la survie d'un peuple démuni. Ils devront choisir entre soutenir la cause de la population et la poursuite de leur propre entreprise sur laquelle ils ont tout misé. Ce combat pour la justice va bouleverser leur existence."
Il y a deux histoires qui se mêlent dans le film. D'un côté le tournage d'un film, ô combien symbolique dans cette partie du monde, sur Bartolomé de las Casas, un prêtre qui prit la défense des Indiens à l'époque de Colomb et de l'autre le combat de ces Indiens d'aujourd'hui pour avoir accès à l'eau potable face à la puissante compagnie des eaux.
Concernant la bataille de l'eau, le film s'inspire de faits réels ayant eu lieu en 2000 en Bolivie, l'état d'urgence fut décrété et la rue eut gain de cause.
J'ai beaucoup pensé à un de mes héros des temps modernes pendant le film, un autre défenseur des Indiens opprimés, le Sous Commandant Marcos.
Le parallèle entre les deux époques est bien vu. A l'époque l'enjeu c'était l'or, aujourd'hui c'est l'eau. Sans compter toute l'émotion qui se dégage des scènes du film dans le film sur la persécution des Indiens par les espagnols.
Le réalisateur Sebastian (touchant Gael García Bernal) est obnubilé par son film qu'il voit comme un hymne historique aux Indiens d'Amérique du Sud, un rétablissement de la vérité, une fresque qui va faire parler. Il prend d'abord la défense de ses acteurs, ces Indiens figurants auxquels il s'est attaché, pour reculer ensuite et ne penser qu'au film. Sa lâcheté transparait au fur et à mesure de l'avancée de l'histoire. Celle d'autres membres de l'équipe aussi. La région s'embrase et la peur s'installe dans les esprits.
Contrairement au producteur (formidable et percutant Luis Tosar) qui joue les durs et les sans pitié mais qui va mouiller sa chemise et prendre des risques pour sauver ses amis indiens.
J'ai beaucoup aimé le film. Une histoire dans laquelle on s'identifie facilement. On est tous confronté à ce genre de situation : aider quelqu'un dans la mouise ou ne penser qu'à soi et s'en laver les mains. Quitte à ne plus pouvoir se regarder dans la glace...