A ces enfants qui sont passés une année dans nos vies...
Publié le 3 Juillet 2012
Elles étaient arrivées en France en janvier, enfuie d'un pays déchiré par une guerre sanglante, un pays sous l'emprise d'un fou furieux. Elles, les filles et leur maman, sont venues se réfugier chez la famille installée en Paris pendant que le mari et papa tentait de trouver du travail dans un autre pays lointain. Nina m'a juste annoncé "Il y a une nouvelle fille dans ma classe mais tu sais elle parle un peu français et anglais mais pas beaucoup". Je n'ai pas mis longtemps à rencontrer cette nouvelle petite fille qui parlait plutôt bien le français avec un joli accent. Les deux filles sont vite devenues très copines et sont mutuellement invitées tout au long de cette année scolaire.
Une nouvelle amitié qui ne m'a pas surprise car depuis la maternelle, Nina est souvent copine avec une petite fille ou un petit garçon pas comme les autres. Enfin, je veux dire une petite fille ou un petit garçon comme les autres en apparence mais pas comme les autres en vrai.
Une petite fille dont le quotidien ne ressemble pas à celui des autres parce qu'elle habite une chambre de bonne avec ses parents, qu'elle partage son lit avec sa maman pendant que le papa dort par terre et qui vit en recluse parce que ses parents sans papiers ne parlent presque pas le français et ne bougent pas trop, de peur des contrôles. Une petite fille qu'on a adoré recevoir chez nous autant de fois qu'il fut possible malgré les soucis de compréhension. Une petite fille à laquelle Nina s'est attachée grave et qu'on n'a plus revu après les vacances d'été... Une petite fille qui vivra sur nos photos et à laquelle on pensera souvent sans savoir ce qu'elle a pu devenir, ni elle, ni ses parents...
Un petit garçon adorable qui a souvent atterri chez nous parce que je ne peux pas refuser une demande de garde d'un ami de Nina, même inopinée, même au dernier moment, même incongrue. Le reste je n'en parlerai pas ici mais nous ne l'oublierons pas lui non plus. Un changement d'école à la rentrée et plus de nouvelles depuis...
Et la dernière en date, six mois au cours desquels une belle amitié est née entre deux petites filles de CP. J'aurais pu me douter qu'un jour, elle et sa famille quitteraient la France mais je n'aurais pas pensé que ça arriverait si vite.
Un matin je les emmène toutes les deux au cinéma. La maman m'annonce que dans 9 jours elle part rejoindre son mari et que probablement, elles resteront là-bas définitivement pour tenter une nouvelle fois de reconstruire quelque chose. Et en attendant de pouvoir retourner dans leur pays qui leur manque évidemment...
L'émotion m'a submergée mais j'ai retenu mes larmes ne sachant pas si Nina était courant. Plus tard, elle m'en a spontanément parlé "tu sais c'est dommage on pourra pas inviter L. à dormir parce qu'elle va partir et peut être pour toujours".
Les filles se sont tenues la main au cinéma, double dose d'émotion pour mon coeur de maman...
Plus elle grandit, plus les souvenirs et les émotions sont fortes. Nous avons passé une dernière journée avec L. au parc Astérix dimanche dernier. Une journée entière où entre quelques disputes passagères, elles se sont prises dans les bras, dit des "je t'aime" et ont rigolé comme des enfants de leur âge.
Je vais souvent me demander ce qu'elles seront devenues, comment L. va encore s'acclimater à un nouveau pays, à des nouveaux amis, si elle pensera à Nina de temps en temps. Est-ce qu'elles pourront un jour revenir dans leur pays natal ? Je penserai à elles en lisant les journaux le matin et Nina, je ne sais pas comment elle va gérer cette absence. Il me semble que celle-ci sera plus dure à gérer que les autres... Il y a Skype, on verra...
Tous les jours on côtoie des enfants à l'école, on les voit rire et sourire et souvent on n'imagine pas tout ce qu'ils vivent où ont déjà vécu à leur âge. Ces enfants venus d'ailleurs ou différents ils aident aussi ma fille à grandir et à comprendre ce monde merveilleux mais souvent cinglé dans lequel nous vivons... Merci à eux d'être passés dans nos vie et peut être qu'un jour nous nous reverrons, it's a small world isn't it ?