Mon cinéma de février 2022

Publié le 1 Mars 2022

The Innocents de Eskil Vogt (la beauté de cette affiche !)

Une banlieue assoupie par l’été nordique, 4 enfants avec d’étonnants pouvoirs qu’ils convoquent innocemment dans leurs jeux, loin du regard des adultes. Leurs distractions prennent peu à peu une tournure inquiétante.

Il y a Ida et sa sœur Anna, atteinte d’autisme régressif, Aisha qui a une maladie de la peau et Ben le solitaire.

Un quatuor formé par deux duos, des enfants différents physiquement, socialement ou mentalement. Ils n’ont pas d’amis et se trouvent durant ces vacances où ils sont parmi les rares à ne pas partir. On ne sait pas trop si Ida est jalouse de sa sœur qui accapare toute l’attention, si elle lui fait du mal par défi, par méchanceté ou par curiosité, peut-être tout ça.
 
Peu importe d’où viennent leurs pouvoirs, le film réussit très bien à les mixer avec toute l’ambivalence de l’enfance.
La jalousie, la moquerie, le besoin d’être aimé… les émotions des enfants sont comme en réalité augmentée dans la façon dont ils vont user de leur pouvoir.

Le film explore aussi cette fascination pour la cruauté gratuite. Des enfants qui testent leurs limites et qui parfois sont mal à l’aise et se posent des questions sur leurs actes.
Expériences, télépathie, télékinésie, les jeux deviennent dangereux mais est-ce toujours du jeu ?
 
Une connexion entre eux s’installe, elle permet par ailleurs à Ida de se rapprocher d’Anna et cette relation qui évolue entre les deux sœurs est une des belles choses du film.

Les adultes sont présents tout en étant extérieurs aux drames, les enfants sont dans leurs mondes et changent en présence des grands, les scènes d’Ida qui refuse de dire la vérité à sa mère sont très réalistes (du vécu oui !).
 
Un peu flippant mais juste ce qu’il faut pour ma grande sensibilité ! On attend les drames, les scènes violentes et la mise en scène joue bien sur ce laps de temps entre ce qu’on devine qui va arriver et le résultat.
Un film intriguant et troublant qui parle de l’enfance et de ses failles, de ses contradictions et de ses mystères. Les 4 enfants sont déments. Un mélange très réussi de réalisme et de fantastique autant sur le fond que sur la forme visuelle très belle.

Great Freedom de Sebastian Meise
 
L’histoire de Hans Hoffmann. Il est gay et l’homosexualité, dans l’Allemagne d’après-guerre, est illégale selon le paragraphe 175 du Code pénal. Mais il s’obstine à rechercher la liberté et l’amour même en prison...
 
L’article 175 qui permet donc de mettre des caméras dans des toilettes publiques et de filmer les mecs pour les emprisonner ensuite. Cet article 175 qui remet les homosexuels en prison dès leur sortie des camps de concentration, je n’ai pas les mots.
La vie de Hans (le génial Franz Rogowski) est ponctuée d’amour et de prison. A chaque fois qu’il aime ou s’amuse on l’y envoie. Le film va nous raconter son histoire à travers 3 périodes qui s’entremêlent : 1945, 1957 et 1968-69.
Hans n’est pas un rebelle, il veut juste être lui-même et être libre d’aimer ce qui le conduit souvent au trou dans des conditions inhumaines. Mais c’est un survivant qui encaisse. Hans qui garde espoir, un vrai mec bien aux valeurs d’entraide et de solidarité.
 
Même en prison, le jeu de la séduction malgré tout, le rapprochement et la promiscuité, les subterfuges pour assouvir ses désirs et son besoin d’amour avec des hommes rencontrés dehors et emprisonnés comme lui. Et puis il y a Viktor, son compagnon de cellule à plusieurs reprises, dont le regard intolérant va se transformer. Personnage avec lequel le film aborde un peu la difficile réinsertion pour les longues peines.
 
Un très bon film bouleversant par son injustice, la violence psychologique subie par Hans et ses pairs mais duquel se dégage beaucoup d’humanité. Dans l’univers glauque et dur de la prison, les scènes d’amour et de tendresse sont si émouvantes, filmées avec pudeur et douceur. La grande question de se conformer à la société quitte à devenir quelqu’un d’autre ou garder sa liberté quoi qu’il en coûte. La liberté de choisir la vie qu’on veut mener, un choix que personne ne devrait juger… Un choix final en totale liberté…

Les vedettes de Jonathan Barré
 
Daniel, un chanteur raté, travaille dans un magasin d’électroménager. Prêt à tout pour ne pas perdre sa maison et se retrouver sous le feu des projecteurs, il décide d’utiliser Stéphane, un collègue naïf et prétentieux, pour participer à des jeux télévisés. Alors oui tout les oppose, non ça ne sera pas de tout repos, mais Daniel et Stéphane sont plein de ressources...
 
C’est tellement ça toutes les situations décrites au travail ou dans la vie entre humour et tristesse, on rit mais on devrait pleurer en vérité !
Daniel a un vrai caractère de merde, il se la pète et envoie balader tout le monde même sa famille. Il veut qu’on l’aime mais il ne fait rien pour et le premier à en faire les frais c’est Stéphane qui lui, est obsédé par les nouvelles technologies et la domotique, il collectionne le must de l’électroménager en s’endettant comme pour meubler le vide de sa vie.

Ils sont deux asociaux dans des genres différents. Leurs aventures dans le milieu des jeux télévisés sera explosive !
Les dérives de la téléréalité, le présentateur star, la clique d’assistants, les techniques de recrutement des candidats, l'attrait des caméras, l’impact du passage à la télé dans son quartier ou sa ville… tout y est passé à la moulinette avec des moments pur Palmashow (mais ce n’est pas une succession de sketchs).

Une parodie dans un contexte social toujours présent même par petites touches qui décrit bien notre société contemporaine et le monde du travail.

Un film drôle et touchant qui retrace avant tout la naissance d’une amitié d’une manière subtile et originale.
 
Ps : restez jusqu’à la fin du générique

Enquête sur un scandale d’état de Thierry de Peretti
 
Octobre 2015. Les douanes françaises saisissent 7 tonnes de cannabis en plein cœur de Paris. Le jour même, un ancien infiltré des stups, Hubert Antoine, contacte Stéphane Vilner, jeune journaliste à Libération. Il prétend pouvoir démontrer l’existence d’un trafic d’État dirigé par Jacques Billard, un haut gradé de la police française. D’abord méfiant, Stéphane finit par plonger dans une enquête qui le mènera jusqu'aux recoins les plus sombres de la République.
 

J’avais beaucoup aimé les 2 films précédents du réal "Une vie violente" et "Apaches", je suis moins emballée par ce 3e. Par contre on retrouve son style très réaliste. Ici l’impression de docu-fiction est grande, on est immergé dans une conférence de rédaction ou un tribunal. Inspiré de faits très réels, il n’y a guère que les noms qui ont été changés.
 
Un personnage complexe Hubert Antoine (Roschdy Zem génial), ambivalent, susceptible et voulant tout monnayer. J’ai eu du mal à comprendre ses motivations tout comme j’ai du mal à saisir toutes les subtilités de cette histoire. La police veut suivre la drogue et donc en laisse passer. Est-ce condamnable ou au contraire une bonne méthode ? Peut-on employer des moyens illégaux pour combattre des choses illégales ?
Le film est très bavard, il faut s’accrocher pour suivre et comprendre les enjeux que je n’ai donc pas saisi. Jacques Billard ne semble pas être un enfoiré, il n’est pas corrompu. Il m’a manqué une certaine simplicité dans l’exposé des faits.

Y a-t-il une manipulation d’état ? Doit-on contrôler le trafic pour contrôler les dealers et les avoir à l’œil ? Beaucoup de questions sans réponses…

Le film réussit par contre à bien montrer la relation qui se crée entre un journaliste enquêteur et sa source qu’il protège et qu’il materne même. Un échange permanent qui crée une intimité. Intéressant aussi de voir le montage d’une Une de quotidien.

Petite Solange de Axelle Ropert
 
Solange a 13 ans, elle est pleine de vie et de curiosité avec quelque chose de spécial : elle est sentimentale à l’excès, et adore ses parents. Mais un jour, elle réalise qu’ils se disputent et commencent à s’éloigner.... l’ombre du divorce se précise. Alors Solange va s’inquiéter, réagir et souffrir. C’est l’histoire d’une jeune ado trop tendre qui voudrait une chose impossible : que l’amour jamais ne s’arrête.
 
Le sujet classique du divorce, un couple qui se délite avec le temps sous l’œil de Solange. Elle se retrouve seule entre ses deux parents quand son frère plus âgé part étudier à l’étranger. Solange est une ado plutôt à l’aise dans sa peau, drôle et intelligente.

Elle va prendre conscience que l’amour n’est pas à l’infini et ça va la dévaster. Surtout que ses parents ne sont pas honnêtes avec elle, voulant probablement la préserver mais je les ai trouvés vraiment à la ramasse surtout le père.

Un film porté entièrement par sa jeune actrice, Jade Springer, que j’ai trouvée merveilleuse et naturelle. Elle est perdue, seule et très affectée, on le ressent avec elle.
Le reste du casting n’est malheureusement pas à sa hauteur pour moi. J’aime beaucoup Léa Drucker et Philippe Katerine mais ici leur couple ne fonctionne pas, tout semble faux, je ne sais pas si c’est la mise en scène ou leur jeu. Idem pour Romain le grand frère.
Comme s’ils étaient tous les trois annexes et extérieurs à la situation. Quelque part ils le sont car aucun ne prend la mesure du drame intérieur que vit Solange.

Red Rocket de Sean Baker
 
Mikey Saber revient dans sa ville natale du Texas après des années de carrière de pornstar à Los Angeles. Il n'y est pas vraiment le bienvenu... Sans argent, sans emploi, il doit retourner vivre chez son ex-femme et sa belle-mère… Pour payer son loyer, il reprend ses petites combines mais une rencontre va lui donner l’espoir d’un nouveau départ.
Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
 
Il y a des gens comme ça, plein de bonnes intentions mais il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Mike Saber en fait partie. Il a plein d’idées, il est bourré d’énergie, il a l’air sympa malgré son passé pas toujours clair. Mais peut-on compter sur lui ? Peut-on mettre ses espoirs en lui ?
Les femmes de son entourage auront leurs réponses…

Mickey adore parler, adore raconter et se la raconter, un grand gamin cash qui cache une nature bien moins sympathique.
Le film dresse le portrait d’un homme complexe, parle de l’industrie du porno et de la façon dont sont traitées les femmes tout en attirant l’attention sur une Amérique profonde de misère qui vit au jour le jour de débrouilles, de combines, d’aide sociales…

Un film porté par l’énergie de son comédien principal, Simon Rex est impressionnant à tous les niveaux ! mais un film qui m’a déroutée, des longueurs aussi.
C’est quoi l’idée ? Voilà la question que je me suis posée à la fin…
J’ai bien aimé pour la folie du personnage et sa psychologie complexe, le mec qui fonce sans jamais se regarder en face, qui entraine les autres dans ses délires sans jamais penser à eux… Mais je suis restée sur ma faim. Et contrairement à ce qui est écrit sur l’affiche ce n’est pas une comédie, loin de là.

Les jeunes amants de Carine Tardieu
 
Shauna, 70 ans, libre et indépendante, a mis sa vie amoureuse de côté. Elle est cependant troublée par la présence de Pierre, cet homme de 45 ans qu’elle avait tout juste croisé, des années plus tôt. Et contre toute attente, Pierre ne voit pas en elle “une femme d’un certain âge”, mais une femme, désirable, qu’il n’a pas peur d’aimer. A ceci près que Pierre est marié et père de famille.
 
L’amour n’a pas besoin d’explications ni de carte d’identité. Ici on ne voit pas plus la différence d’âge que la peur du jugement des autres, les proches et la société. L’histoire d’amour entre Pierre et Shauna cumule les difficultés (notamment une que j’ai trouvé en trop) entre l’âge, l’homme marié et le reste.
Mais elle est belle et crédible et servie admirablement par Fanny Ardant et Melvil Poupaud sans oublier Cécile de France (ma chouchoute 😍 du cinéma français) qui a un petit rôle et c’est elle qui m’a tirée les larmes dans une magnifique scène de confrontation.
Voir une femme de 70 ans au cinéma dans une histoire d’amour avec tout ce qui l’accompagne, pas de fausse pudeur, ça fait du bien parce que la vie amoureuse ne s’arrête pas à 40 ans. Après je ne sais pas si dans la vraie vie il y a tant d’hommes jeunes qui aiment des femmes beaucoup plus âgées, (comme dans la série Ozark aussi) détrompez-moi ! C’est plutôt l’inverse…

Carine Tardieu a réussi à montrer comment l’irruption de l’amour dans la vie d’une femme seule et âgée, bouleverse un quotidien et une solitude à laquelle on s’habitue, un tsunami émotionnel qui fait chauffer le cerveau encore plus. Comment y croire ? Pourquoi choisir une veille femme ?
Mon seul bémol est l’ajout d’une difficulté supplémentaire à cette histoire, c’était trop pour moi, comme si cette histoire devait forcément en passer par là, ne pouvait pas juste être simple (alors qu’elle est déjà compliquée !). Je ne spoile pas, si vous le voyez, vous comprendrez.

Moonfall de Roland Emmerich
 
Une mystérieuse force a propulsé la Lune hors de son orbite et la précipite vers la Terre. L’impact aura lieu dans quelques semaines, impliquant l’anéantissement de la planète. Jo Fowler, ancienne astronaute qui travaille pour la NASA doit trouver la solution pour sauver le monde. Avec l'aide d'un astronaute qu’elle a connu autrefois, Brian Harper, et un théoricien du complot, K.C. Houseman, elle va tenter une mission impossible dans l’espace…
 
Je savais ce que j’allais voir, j’aime bien de temps en temps me faire un bon gros blockbuster américain parce que c’est du cinéma et j’aime les films catastrophe.
 
Ici tous les ingrédients du genre sont là : la rédemption d'un homme déchu injustement, le rapport compliqué au père, le lanceur d’alertes que personne ne croit, la catastrophe imminente, la mission dernière chance de sauvetage du monde… Et les deux intrigues parallèles de sauvetage de la planète dans l’espace et sauvetage de gens précis sur terre. On pense aux précédents films d’Emmerich dont celui-ci fait plus que s’inspirer : Independence Day, Le jour d’après et 2012. Il y a aussi un peu de San Andreas.
 
On devine la fin ainsi que ceux qui seront sacrifiés par le scénario. Rien n’est crédible c'est normal, ils partent dans l’espace comme dans le métro.

Mais j’ai passé un bon moment ! J’ai eu ce pourquoi j’étais venue, de belles scènes apocalyptiques et les plans lune-terre sont assez incroyables. En bonus une réflexion sur les dangers de l’intelligence artificielle et une théorie de l’évolution intéressante. Un constat récurrent, les ultra riches sont toujours d’accord pour ne penser qu’à eux et sacrifier le reste du monde.
Et aussi Patrick Wilson très agréable à regarder !

Ps : beaucoup parlent de plaisir coupable, pour moi c’est juste un plaisir que j’assume sans culpabilité (et grâce à la carte UGC 😁)

La vraie famille de Fabien Gorgeart
 
Anna, 34 ans, vit avec son mari, ses deux fils et Simon, 6 ans, placé chez eux par l’Assistance Sociale depuis ses 18 mois. Un jour, le père biologique de Simon exprime le désir de récupérer la garde de son fils...
 
On voit souvent le mauvais côté des familles d’accueil et ça existe mais là tout se passe bien, Simon est comme un fils dans la famille, comme un frère pour les deux garçons. Une vraie famille et on se dit que c’est exactement ça qu’on devrait réussir à trouver pour tous les enfants placés.
Mais le rôle de la famille d’accueil (un vrai métier rémunéré) est de faciliter le retour dans la famille d’origine, c’est une transition, qui a duré très longtemps ici.

C’est dur car Simon est arrivé bébé et clairement Anna a fait un vrai transfert, elle le considère comme son 3e enfant. Un coup de massue quand son père veut le récupérer à plein temps. La situation lui échappe elle n’arrive pas à accepter qu’on lui enlève Simon. Elle n’a plus le détachement nécessaire.
 
Un vrai dilemme aussi pour moi, j’ai été sacrément émue par Anna qui a le sentiment de vivre une injustice mais c’est normal qu’un père veuille récupérer son fils, la vie a fait qu’il ne pouvait pas avant. De l’autre côté la famille d’accueil est effacée, c’est le deal de départ mais on peut comprendre Anna et sa famille, c’est un arrachement déchirant.
On coupe l’enfant de tous ses repères bien que cela se fasse petit à petit. Il ne s’agit pas de prendre parti mais de se dire que ça pourrait être moins dur pour la famille d’accueil.
 
C’est tellement complexe moralement et légalement le fonctionnement de l’ASE, le film nous montre une autre facette dont on parle moins.
Mélanie Thierry est excellente, elle est bien accompagnée par Lyes Salem qui essaie de faire tampon sans montrer tout ce qu’il ressent pour garder le cap. Les trois enfants sont parfaits.
Que d’émotions (du rire aux larmes) dans ce film sur la maternité qui interroge et bouleverse.

After blue de Bertrand Mandico
 
Dans un futur lointain, sur une planète sauvage, Roxy, une adolescente solitaire, délivre une criminelle ensevelie sous les sables. A peine libérée, cette dernière sème la mort. Tenues pour responsables, Roxy et sa mère Zora sont bannies de leur communauté et condamnées à traquer la meurtrière. Elles arpentent alors les territoires surnaturels de leur paradis sale…
 
Un nouveau monde ailleurs reconstruit avec soi-disant le meilleur… pourtant il y a des armes dans un monde peuplé uniquement de femmes. A partir de là mon avis c’est que c’est foutu d’avance ! Mais ce n’est pas le sujet du film…

After blue est un monde hostile peuplé de sorcières, de démons et de créatures étranges.
Création d’un vrai univers original plastique comme une immense installation d’art contemporain.
Un conte fantastique et fantasmagorique, un raod trip hallucinatoire doublé d’une vraie expérience cinématographique visuelle et bourré de références.

Ce film est un ovni, je me suis laissée emporter par le voyage, la voix off qui berce comme sous hypnose malgré un scénario faible.
Un film qui pourrait être aussi le rêve d’une adolescente à la recherche de sa sensualité et de ses fantasmes.
Par contre j’ai trouvé qu’hormis Vimala Pons (Sternberg) tout le monde jouait mal.

 

Un autre monde de Stéphane Brizé
 
Un cadre d'entreprise, sa femme, sa famille, au moment où les choix professionnels de l'un font basculer la vie de tous. Philippe Lemesle et sa femme se séparent, un amour abimé par la pression du travail. Cadre performant dans un groupe industriel, Philippe ne sait plus répondre aux injonctions incohérentes de sa direction. On le voulait hier dirigeant, on le veut aujourd'hui exécutant. Il est à l'instant où il lui faut décider du sens de sa vie.
 
Un constat réaliste et dur d’un certain monde du travail, celui des entreprises dans lesquelles la rentabilité à tout prix est le mot d’ordre.
Philippe (Vincent Lindon parfait) est directeur de site et doit répondre aux exigences de la DG France (Marie Drucker excellente dans l’ignoble) qui rend elle-même des comptes à son big boss américain. Il faut dégraisser… encore. De plans sociaux en plans sociaux le but est de continuer à engraisser les actionnaires peu importe les dommages collatéraux qu’ils soient humains ou qualitatifs.

Dans un environnement concurrentiel mondial énorme, comment faire pour réorganiser, restructurer jusqu’à vider de sens le travail et les gens ?
Faire toujours plus avec moins. Le facteur humain a totalement disparu de la réflexion et de la prise de décision des cadres.
Le verbatim pourri que produisent les pontes pour justifier leurs méthodes est éloquent. Ils osent parler de bien être des salariés.

Jusqu’à quand Philippe va-t-il pouvoir faire ce qu’on lui demande ? Quelle vie de merde… et d’ailleurs la sienne l’est bien entre son divorce et son fils qui vrille face à une énorme pression scolaire. Le parallèle avec la situation de son fils est forte de sens.

Un film déprimant parce qu’il raconte une vérité sur notre société. J’ai tellement d’exemples de ces méthodes qui sont malheureusement appliquées un peu partout et de ce qu’elles font aux gens…
C’est très bien vu et bien raconté mais comme toujours avec les films de Brizé, il y a des moments où je décroche et là tout ce qui concerne la vie privée ne m’a pas convaincue.

Les poings desserrés de Kira Kovalenko

Dans une ancienne ville minière en Ossétie du Nord, une jeune femme, Ada, tente d’échapper à la mainmise étouffante d’une famille qu’elle rejette autant qu’elle l’aime.

Ada est très bien entourée par son père et ses frères dont l’amour est presque étouffant. Pourtant pas de doute, ils s’aiment vraiment cette famille touchante dont la mère n’est plus là depuis longtemps. Elle n’a pas beaucoup d’intimité dans sa prison familiale dont on va comprendre le pourquoi toute cette « protection rapprochée ».

Ada se cache malgré son envie de se découvrir. Je n’en dirais pas plus pour laisser le film se dévoiler à vous si votre curiosité vous pousse à découvrir ce film russe d’une jeune réalisatrice formée à l’école Alexandre Soukorov.

Le thème de l’enfermement est présent que ce soit Ada dans sa famille ou pour les habitants de cette ville flanquée entre des montagnes qui barrent la vue. L’espoir d’ailleurs est symbolisé par ce grand frère qui a réussi à quitter cette ambiance pour s’installer dans une ville plus accueillante.

Ada va devoir se détacher d’un lien trop fort pour mieux se rattacher ensuite, défaire des liens pour mieux en recréer. Elle va devoir grandir pour vivre libre.
Le film aborde aussi en second plan l’histoire guerrière et les traumas de cette région qui se trouve entre la Georgie et la Tchétchénie.

Pas de tristesse, juste une forte envie de vivre. Le regard et le doux sourire de la jeune actrice Milana Aguzarova donnent au personnage une aura magnifique.
Un très beau premier film récompensé par Un certain regard à Cannes 2021.

Ils sont vivants de Jérémie Elkaïm
 
Veuve depuis peu, Béatrice vit avec son fils et sa mère. Sa rencontre avec Mokhtar, enseignant iranien arrivé clandestinement en Europe, va bouleverser son quotidien et ses convictions. Par amour pour lui, elle va devoir défier les préjugés de son entourage et les lois de son pays.
Adaptation du livre Calais mon amour de Béatrice Huret, inspirée de son vécu.


Béatrice (Marina Foïs interprète le rôle à merveille) découvre un monde qu’elle n’imaginait pas alors qu’elle vit à côté mais aussi les sentiments contradictoires qu’on peut éprouver face aux migrants entre rejet de l’étranger qui fait peur et compassion humaine.

Comme une illumination quand elle découvre que ce n’est pas ce à quoi elle s'attendait. En aidant les migrants, Béatrice va probablement trouver un sens à sa vie, sens qu’elle avait perdu en étant résignée sur son sort.

Le milieu dans lequel elle évolue, flics et leurs familles sont tous un peu racistes et anti migrants par principe. En tant qu'ex femme de policier on attend d'elle un comportement adéquat.
Elle va faire des choix que personne ne peut et ne veut comprendre. Le courage de changer et de l'assumer.
Avec Mokthar elle retrouve le chemin de son corps laissé en sommeil, elle se retrouve et se découvre.
Les scènes d’amour sont magnifiquement filmées. La transformation de Béatrice est émouvante. Une belle histoire d'amour entre deux êtres que tout sépare et que tout rapproche.
J'ai beaucoup aimé le film hormis le personnage d’Ingrid insupportable...
 

Maigret de Patrice Leconte

Maigret enquête sur la mort d’une jeune fille. Rien ne permet de l’identifier, personne ne semble l’avoir connue, ni se souvenir d’elle. Il rencontre une délinquante, qui ressemble étrangement à la victime, et réveille en lui le souvenir d’une autre disparition, plus ancienne et plus intime…
 

Belle atmosphère d’époque, le film est délicieusement rétro.
Maigret, j’aime beaucoup ici son humour cynique et fataliste, part sur les traces d’une inconnue dont il reconstitue la vie pour lui redonner une identité et une histoire. Une inconnue qui n’aura eu que pour seul tort de venir à Paris pensant y trouver un eldorado à l’instar de toutes ces jeunes filles débarquées de leur province.

Une enquête qui remue les failles familiales de Maigret entre la jeune morte et Betty qu’il prend sous son aile.

Du côté de sa santé, il est un peu à bout de souffle et l’heure de la retraite approche, tout en enquêtant il forme aussi son successeur comme une copie plus jeune de lui-même.

Un film policier qui raconte une enquête et beaucoup plus en racontant son enquêteur principal. Un beau personnage incarné par un Gérard Depardieu touchant et plein d’humanité. Une belle surprise en ce qui me concerne, j’ai été vraiment touchée par ce Maigret et par Depardieu.

Rédigé par Carole Nipette

Publié dans #Avis cinéma-Revue de films

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W
Coucou je n'ai vu que Moonfall dans ta sélection et j'ai bien aimé (bon, tout est très "couru d'avance" mais ça permet de ne pas se prendre la tête). J'aimerais voir Maigret et tu m'as donné encore plus envie de le voir (j'étais fan de celui de Jean Richard toute mon enfance).
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C
Oui un bon moment divertissant !
D
Bonsoir Carole, concernant Les poings desserrés, je ne savais pas trop ce que j'allais voir. J'ai aimé mais j'ai trouvé ce film éprouvant avec la caméra au plus proche du visage des acteurs. La réalisatrice arrive à faire ressentir le côté étouffant de ce que vit Ada. Même si son père et ses frères l'aiment, on peut comprendre qu'Ada veuille partir. Et puis l'environnement n'est pas folichon avec ces immeubles en bord de route. Bonne soirée.
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C
Une image de la Russie qu'on connait moins mais vraiment déprimante...
G
je vais tenter d aller voir Batman ce mois ci<br /> je dis bien tenter car c est vrai que les tarifs du ciné finissent toujours pas me dissuader
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C
je comprends, j'ai une carte illimitée et des billets pas chers via mon ce sinon ce serait inaccessible...
B
Merci pour ces suggestions, certains me donnent drôlement envie ! Bonne journée.
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M
Comme d'habitude, je ne suis pas allée au cinéma en février... Mais il y a de beaux films sur le site de ma médiathèque que j'ai envie de voir. Supernova, Les intranquilles, Tout s'est bien passé..
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C
Tant que je peux y aller autant je profite :)