Mon cinéma de novembre 2019
Publié le 6 Décembre 2019
Les Misérables de Ladj Ly
Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes…
C'est la fête en juillet 2018, la France est championne du monde et tout le monde est heureux, les gamins des cités défilent sur les Champs-Elysées le sourire aux lèvres, la joie en intraveineuse. Un contraste avec la réalité de leur vie quotidienne dans les barres d'immeuble d'une cité du 93. Des gamins désœuvrées, des grands qui font régner leurs lois, des flics désabusés et énervés. Une bavure et la cité au bord de l'éruption permanente s'enflamme...
Stéphane, le bleu dans la BAC, observe tout ce monde tantôt halluciné, tantôt résigné mais pas encore déshumanisé.
La façon dont est traité le petit Issa (un mélange Gavroche et de Cosette) est abominable. C'est ce que j'ai trouvé le plus dur dans le film. C'est la victime qu'on écrase jusqu'au bout. Un gamin qui fait des conneries oui, un ado fier et rebelle dans toute sa splendeur mais un gamin à qui il a manqué d'attentions. Pour moi c'est le symbole de toute une jeunesse qu'on nie et dont pas grand monde se soucie. Ces images de gosses qui ne partent jamais en vacances, qui zonent dans leurs quartiers abîmés ne sont pas que du cinéma. Ces enfants qui apprennent très vite à qui se fier et surtout à se méfier de la police qui ne rate pas l'occasion de les humilier. L'incompréhension de deux mondes... J'ai lu les avis de policiers qui trouvent que le film donne une image injuste, que ce genre de comportements ça date mais je prends le RER tous les jours à Gare du Nord et les contrôles au faciès ce n'est pas passé de mode... Tous les flics ne sont pas ainsi, tous les gamins de banlieue non plus mais le film est un cri du coeur, un cri d'alarme...
J'ai pensé au Joker, à cette montée de violence et de rébellion qui ne vient pas de nulle part. L'indifférence, le mépris et l'humiliation ne donnent pas de bons résultats... Ladj Ly vient du 93 et c'est précisément aujourd'hui le département dans lequel on trouve une immense misère humaine émaillée de faits divers atroces qu'on lit chaque jour dans le journal.
"Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs". Cette phrase de Victor Hugo conclut le film, avant une fin puissante qui laisse sans voix, fait place à la réflexion que doit mener notre société sur ces citoyens qu'on met de côté et qu'on abandonne...
La belle époque de Nicolas Bedos
Victor, un sexagénaire désabusé, voit sa vie bouleversée le jour où son fils lui offre un cadeau spécial. Antoine, un brillant entrepreneur, a monté une attraction d’un genre nouveau : mélangeant artifices théâtraux et reconstitution historique, son entreprise propose à ses clients de replonger dans l’époque de leur choix. Victor choisit alors de revivre la semaine la plus marquante de sa vie : celle où, 40 ans plus tôt, il rencontra le grand amour...
J'ai été transportée par le film, le casting, l'histoire, les idées, les dialogues. Une petite merveille tout comme l'était Monsieur et Madame Adelman, le premier film de Nicolas Bedos.
Un charme délicieux à tous les niveaux sur le thème de l'amour. J'aurais adoré vivre une soirée dans ces années 70 !
Le casting est génial, je les aime tous et ils sont tous excellents, même les seconds rôles que je n'ai pas la place de citer. Daniel Auteuil qui montre encore une fois à quel point c'est un de nos plus grands acteurs, Guillaume Canet qui nous attendrit et nous énerve tellement bien. Dora Tillier est une déesse qui sait être sur tous les registres. Quand à Fanny Ardant, c'est pour moi un de ses plus beaux rôles et une de ses plus grandes interprétations au cinéma ! (Oui je sais elle est toujours immense !) Bravo aussi pour la BO.
J'ai ri (la gifle, le diner, le ronflement 🤣🤣...) et j'ai pleuré. J'aime avoir les deux au cinéma. On peut s'amuser à se demander si Nicolas Bedos parle de lui, de son rapport au père, une chose est sûre il sait parler d'amour avec originalité.
Une belle époque c'est celle qu'on s'autorise à vivre, celle que l'on choisit de vivre...
Sorry we missed you de Ken Loach
Ricky devient chauffeur-livreur indépendant d'une plateforme de vente en ligne. L'achat du véhicule et tous les frais imprévus sont à sa charge, les rendements exigés sont oppressants, les pénalités financières implacables. Sa femme Abby, auxiliaire de vie, se débat elle aussi dans des horaires à rallonge. Ils n'ont plus le temps de s'occuper de leurs enfants, ni de leur couple...
Chronique d'un désastre annoncé... Un film noir, implacable et sans espoir qui dénonce les dérives de notre société de consommation et de déshumanisation du travail. Trouver du travail pour se loger et nourrir les siens à n'importe quel prix même si le prix à payer est une négation complète de l'humain, un épuisement au delà du raisonnable. Abby qui se rajoute des heures de trajet pour que Ricky puisse se faire exploiter, c'est l'ironie d'un monde sans pitié. Une descente aux enfers dans laquelle j'aurais aimé un peu d'espoir mais il faut dire que là c'est raté, pas l'once d'un monde meilleur... ça fait froid dans le dos.
Mon chien stupide de Yvan Attal
Henri en pleine crise de la cinquantaine tient pour responsables de ses échecs, de son manque de libido et de son mal de dos, sa femme et ses quatre enfants ! C'est alors qu'un énorme chien mal élevé et obsédé, décide de s’installer dans la maison, pour son plus grand bonheur mais au grand dam du reste de la famille et surtout de Cécile, sa femme dont l’amour indéfectible commence à se fissurer...
J'ai trouvé le film inégal surtout au début. La vie de famille, le couple dans la durée, la question de la création et le fameux blanc de l'écrivain, la mise entre parenthèse d'une carrière pour élever des enfants, l'amour qui s'étiole... Beaucoup de sujets dans le film, trop peut-être. Ce qu'Yvan Attal a le plus réussi à raconter, c'est la façon dont les enfants se construisent dans une famille. Pas facile de trouver sa place quand les parents attendent un fantasme de réussite qu'elle soit sociale ou privée. Les enfants qui se sentent jaugés, comparés voire méprisés, surtout dans une fratrie mais c'est valable aussi pour les enfants uniques...
J'ai perdu mon corps de
J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin
À Paris, Naoufel tombe amoureux de Gabrielle. Un peu plus loin dans la ville, une main coupée s’échappe d’un labo, bien décidée à retrouver son corps. S’engage alors une cavale vertigineuse à travers la ville, semée d’embûches, et des souvenirs de sa vie jusqu’au terrible accident...
Une main à la recherche de son corps se remémore des souvenirs, des émotions, des sensations. Naoufel est un jeune homme solitaire qui subit une vie qui ne lui était pas destinée. Son histoire bouleversante, on la découvre au fur et à mesure du film. C'est un jeune homme désabusé qui va retrouver l'espoir d'une vie meilleure après sa rencontre pour le moins originale avec Gabrielle.
Naoufel et la main se racontent en parallèle et à travers les époques. Avec la main, on fait un voyage sensoriel magnifique ainsi que son lot de suspense, car toute intelligente qu'elle soit, la main est vulnérable, seule... Quand à Naoufel, on a envie de lui donner de l'amour, de l'affection, tout ce dont il a manqué durant trop longtemps. La vie peut-être tellement injuste...
Pour en savoir plus, il faut aller voir ce petit bijou d'animation ! Un film magnifique visuellement et narrativement. J'ai été plus que touchée par l'histoire, par la poésie qui s'en dégage et par les images. Prix du Public et Grand Prix au Festival international du film d'animation d'Annecy.
Les éblouis de Sarah Suco
Camille, 12 ans, passionnée de cirque, est l'aînée d'une famille nombreuse. Un jour, ses parents intègrent une communauté catholique basée sur le partage et la solidarité dans laquelle ils s'investissent pleinement. Peu à peu, la jeune fille doit accepter un mode de vie qui remet en question ses envies, sa vie sociale, et ses propres tourments...
Le genre d'histoire qui me donne des envies pas très catholiques !
Les parents boivent et les enfants trinquent c'est exactement ce qui se passe dans les familles qui imposent des choix religieux intégristes à leurs enfants où les enferment dans une secte, de mon point de vue c'est équivalent.
Une mère de 4 enfants au bout du rouleau (Camille Cottin parfaite dans un rôle où elle joue une discrète effacée), un père bonne pâte qui se laissent tous les deux subjuguer par les valeurs d'entraide et de partage proposées par la Communauté de la Colombe. C'est vrai que sur le papier c'est un monde merveilleux. Qui se fissure très vite... tout le cheminement de l'embrigadement est parfaitement raconté.
L'histoire est racontée à travers Camille (Céleste Brunnquell dont le sourire et le regard habitent le film), une ado de 12 ans qui va observer les conséquences dramatiques de l'emprise de la communauté sur ses parents et sur sa vie de famille. Un éblouissement qui les coupe, petit à petit, du monde extérieur et de toute vie sociale et familiale.
On voit aussi une ado qui se découvre à travers les années et qui joue le jeu pour conserver un semblant de liberté. Elle est déchirée entre l'amour qu'elle porte à ses parents et leur aveuglement dangereux pour leur famille. Camille devient presque la mère de ses petits frères et soeurs quasiment abandonnés par des adultes privés de volonté.
Un film fort qui dénonce les dérives sectaires qui n'arrivent pas que dans les autres pays.
Inspiré de l'enfance de la réalisatrice Sarah Suco...
Gloria Mundi de Robert Guédiguian
Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père : leur fille Mathilda, qu'il n'a pas élevé, vient de donner naissance à une petite Gloria.
Le temps a passé, chacun a fait ou refait sa vie…
En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout...
On pourrait croire que le film a été tourné hier tellement Robert Guédiguian a pris le pouls du climat social actuel.
Deux générations, deux façons d'appréhender différentes. D'un côté les parents qui bossent et sont solidaires, de l'autre les enfants qui survivent où qui réussissent tout en s'écharpant.
Deux figures s'imposent. Sylvie qui trime encore et encore pour aider du mieux qu'elle peut sa famille. Elle devient une figure sociale et fait passer quelques sacrées vérités en s'opposant à la grève de des collègues. Elle encaisse et ne se plaint jamais, fatalité d'une existence rude avec peu d'espoir de changement. Et Daniel et sa force tranquille qui observe les dérives des gens et des discours tout en étant présent pour la famille qu'il a abandonné malgré lui il y a plus de 20 ans.
Quels sacrifices faudra t'il faire pour que les choses s'apaisent ?
Un film noir et bouleversant. Une famille qui lutte pour s'en sortir. Les images du début de la naissance de Gloria sont magnifiques mais c'est un espoir qui s'assombrit vite...
Chanson douce de Lucie Borleteau
Paul et Myriam ont deux enfants en bas âge. Ils engagent Louise, une nounou expérimentée, pour que Myriam puisse reprendre le travail. Louise se montre dévouée, consciencieuse, volontaire, au point que sa présence occupe une place centrale dans la famille. Cependant, très vite les réactions de Louise deviennent inquiétantes... Adapté du roman de Leila Slimani dont j'avais parlé.
Je n'ai pas encore eu le temps de donner mon avis sur Instagram mais dès que ce sera fait, je mets à jour le billet ici !