Mon cinéma d'avril
Publié le 3 Mai 2019
Compañeros de Alvaro Brechner
Un choc. Un grand film, de grands acteurs, une grande histoire dans l'Histoire de l'Uruguay.
Uruguay 1973 coup d'état militaire. Les escadrons de la mort s'acharnent sans relâche pour démanteler le mouvement de Libération Nationale - Tupamaros. 9 dirigeants des Tupamaros sont arrêtés et torturés. Le film suit le destin de 3 d'entre eux : José Mujica "Pepe", Mauricio Rosencof "Ruso" et Eleuterio Fernández Huidobro "Ñato".
Ils vont passer 12 ans en prison, otages en garantie d'inaction des Tupamaros à l’extérieur. Ils sont privés de tout, trimballés de prisons en prisons. Le but des militaires est clair : les rendre fous.
On ne résume pas si facilement 12 ans en 2h mais le réalisateur montre bien la systématisation des conditions carcérales et les moments clefs comme les visites de la famille, les moyens de communication, les sources d'espoir... Tout est vrai, vertige violent quand on met en relation ces 2h avec les 12 ans.
Comment supporter l'enfermement, la privation de parole, de nourriture, de culture, de famille, de lit, de toilettes, de contact, la privation de toute humanité... Entre flashbacks et hallucinations les prisonniers survivent. Les flashbacks sont rares mais nous montrent ce qui donne la force de tenir. L'émotion submerge à la fin, impossible de se retenir.
Le destin de ces trois hommes qui ont résisté jusqu'au bout est passionnant.
Les trois acteurs sont époustouflants. Antonio de la Torre (Pepe), un des meilleurs acteurs espagnols, que j'adorais déjà, joue parfaitement la frontière de la folie qui le gagne. Chino Darín (voir mon post sur El Angel) confirme qu'il est un futur grand du cinéma (je suis amoureuse) interprète avec charisme et douceur Mauricio, l'écrivain duquel il faut lire les témoignages sur cette période. Et Alfonso Tort est Ñato qu'il incarne avec une folie douce qui remue.
Un film qui m'a remuée, bouleversée et qui rappelle que la dictature, ici militaire mais aussi religieuse ou politique, c'est la mort, la répression, la fin des libertés... Viva la résistance...
Mon film préféré de 2019 so far... Allez le voir 💜
Tel Aviv on fire de Sameh Zoabi
Les relations israélo-palestiniennes à travers le prisme d'une série télé il fallait y penser !
Salam est un trentenaire un peu loser qui se laisse porter par la vie sans passion. Il a foiré sa grande histoire d'amour, il est stagiaire sur la série télé palestinienne à succès "Tel Aviv on fire" et se fait plutôt remarquer pour ses bourdes.
Il habite Jérusalem et travaille à Ramallah. Sa rencontre avec Assi un officier israélien (dont la femme est fan de la série) lors de ses passages quotidiens au check-point va changer sa vie.
Des comédiens attachants, des dialogues et des situations drôles surtout quand la série télé est utilisée pour faire passer des messages amoureux ou politiques. Elle est belle cette communion de femmes palestiniennes et israéliennes qui sont juste des femmes scotchées devant leur écran rêvant sur une histoire d'amour romantique.
On n'oublie jamais les tensions mais que ce soit avec le montage du film (réalisé par un palestinien de nationalité israélienne, produit par plusieurs pays) ou le scénario, on se dit que lorsque les gens échangent, s'écoutent et collaborent ça peut marcher. Que si chacun fait l'effort de dépasser ses croyances erronées et ses préjugés, on peut toujours trouver un terrain d'entente. Et c'est peut-être en commençant avec des histoires individuelles qu'on peut essayer de transformer l'histoire collective.
Un film très drôle et intelligent. Le comique au service du message politique et c'est réussi.
La lutte des classes de Michel Leclerc
Sofia et Paul emménagent à Bagnolet, ville dans laquelle Sofia a grandi. Elle est avocate (Leïla Bekthi 😍 toujours juste), il est batteur punk-rock et rebelle dans l’âme. Comme tous les parents, ils veulent le meilleur pour leur fils Corentin, élève à Jean Jaurès, l’école primaire du quartier. Mais la mixité chère à l'école républicaine n'est pas un long fleuve tranquille et lorsque Corentin est malmené et ne veut plus aller à l'école, la question du privé se pose... Énormément de sujets de réflexions dans ce film touchant et un peu bancal. Impossible de ne pas se mettre à leur place et en même temps, tant qu'on n'a pas été confronté en vrai à ce genre de situation, tout ce qu'on peut dire n'est que du blabla. La différence d'éducation, la religion qui s'invite à l'école laïque, la différence de niveau social... autant de choses qui peuvent fâcher les uns et les autres. Chacun doit se remettre en question...
Edouard Baer est parfait dans ce rôle de vieux rocker un peu loser qui se persuade qu'être rebelle c'est la seule façon de vivre, quitte à oublier d'écouter les autres et sa famille en premier. Il m'a même fait monter les larmes sur une scène.
Un film beaucoup plus intéressant pour les sujets abordés que par son traitement des sujets. Outre le débat privé/public, intégration, l'hypocrisie de notre société... on s'interroge aussi sur l'accès à la culture, les moyens accordés à l'école dans les "quartiers" et c'est par la bouche du directeur d'école (Ramzy Bedia en forme !) qu'on entend de bonnes idées et de bonnes réflexions.
Un film qui ouvre le débat et je pourrais parler de ces sujets durant des heures...
Captive State de Rupert Wyatt
Une invasion extraterrestre. Un monde soumis et contrôlé. Le pouvoir traque les rebelles sans relâche. Justement ils s'apprêtent à frapper un gros coup.
La faculté qu'ont les humains à se plier et à collaborer avec un ennemi qui ne veut pas du bien et de l'autre côté l'espoir car il y a (et il y aura toujours je l'espère) des rebelles qui se battront pour la liberté et l'humanité. Des milliers d'années d'histoire et l'être humain ne change pas.
C'est peut-être un film de science-fiction mais il résonne bien fort...
Le film m'a tenue en haleine parce que la préparation du putsch est captivante, dans la lignée d'un casse de banque, quand les bandits pensent au moindre détail.
Un vrai rebondissement final qu'on sent venir tout en ne voyant pas les toutes les ficelles.
Un bon divertissement mais bien ancré dans le contemporain de nos sociétés de plus en plus contrôlées et soumises (de leur plein gré c'est terrifiant).
Mon inconnue de Hugo Gélin
Raphaël rencontre Olivia au lycée et c'est le coup de foudre. Ils s'aiment, se marient et il devient écrivain célèbre tandis qu'elle donne des cours de piano à défaut de donner des récitals. La célébrité fait péter les plombs à Raphaël qui devient un gros con et c'est la fin d'une belle histoire. A moins que ce ne soit le début...
Raphaël bascule dans une dimension où Olivia est une pianiste reconnue tandis qu'il est prof de français. Elle ne le connait plus alors que lui se souvient de tout.
C'est finalement une seconde chance de ne pas tout foirer qui est accordée à Raphaël. A l'aide de son pote d'enfance il va tout faire pour regagner sa vie d'avant mais surtout l'amour d'Olivia.
François Civil et Benjamin Lavernhe (mais quel acteur de génie) forment un duo comique irrésistible. Je ne m'attendais pas à rire autant ! La scène de l'agent 😂😂😂
Une comédie romantique sympathique dans laquelle François Civil et Joséphine Japy forment un très beau couple de cinéma.
El Reino de Rodrigo Sorogoyen (réalisateur de Que Dios nos perdone, un de mes polars cinéma préféré)
Manuel Lopez Vidal est le secrétaire général adjoint de région du parti politique au pouvoir en Espagne. Ses amis politiques et lui-même s'accommodent de petits avantages ça et là, un peu de corruption et d'arrangements avec la légalité. Tout se passe bien jusqu'au jour où Paco l'un des membres est accusé au grand jour. Mais le parti décide de le protéger et choisit Manuel (Antonio de la Torre toujours aussi parfait) comme bouc émissaire à balancer aux médias et à la justice.
Manuel décide de ne pas se laisser faire, il ne veut pas prendre pour tout le monde. Quasi seul contre tous il cherche à accumuler les preuves de corruption de tous les membres du parti jusqu'à la tête. Toute sa vie bascule, adulé un jour, pris au piège le lendemain.
Il cherche à dénoncer le système dont il a profité lui aussi sans se plaindre. On le comprend et on tremble avec lui quand l'étau se resserre. Il devient dangereux pour ses amis d'hier. L'a t'il bien mérité lui qui a entretenu un système pourri ? Sa motivation est-elle vraiment trop personnelle pour qu'on lui pardonne ? Le réalisateur nous fait nous questionner et ce n'est pas si évident de prendre parti...
Un thriller politique de haut niveau qui tient en haleine jusqu'à la dernière seconde et qui retourne nos convictions dans un final de haute volée... .
Les oiseaux de passage de Ciro Guerra et Cristina Gallego
Une histoire incroyable qui mêle tribus indiennes et traditions avec la naissance des cartels de la drogue en Colombie.
Années 70. Les Wayuu sont une tribu ancestrale vivant dans le désert colombien. Chaque jeune fille doit vivre en isolement durant un an avant de devenir femme au cours d'une cérémonie traditionnelle. C'est là que Rapayet tombe amoureux de Zaida.
Mais pour l'épouser il va devoir payer une dot qu'il ne possède pas. Pour gagner de l'argent il fait affaire avec des "gringos" hippies américains qui cherchent de la marijuana.
C'est le début d'un business florissant mais aussi le début de la fin pour les Wayuu qui sont obligés de faire des concessions avec la réalité terrible du trafic de drogue.
Le film mêle parfaitement les croyances et traditions des Wayuu avec la violence inévitable et la vie dangereuse liée au trafic, l'attrait d'un nouveau confort qui détonne complètement avec le mode de vie habituel.
On sait dès le départ que la cohabitation des deux mondes va être compliquée... Tristesse de voir la fin d'un monde auparavant préservé....
Le film est baigné de mystique, de surnaturel avec ces oiseaux annonciateurs, donne une ambiance magique dans ces paysages magnifiques.
J'ai énormément aimé ce film original par son histoire et son traitement, entre western, film noir et initiatique.
Le vent de la liberté de Michael Bully Herbig
L'histoire vraie de deux familles allemandes de l'est qui on réussi à passer à l'ouest dans les années 70... en ballon !
Je suis littéralement fascinée par cette période de l'histoire. Des millions de gens qui n'avaient rien demandé se retrouvent dans une Allemagne de l'est où les libertés individuelles sont mises à mal. Beaucoup ont voulu passer à l'Ouest et on les comprend.
L'histoire ici est incroyable mais vraie et elle est forte. Le film n'apporte rien de plus. Une façon classique et clinique même de raconter, pas beaucoup d'émotions. Et c'est dommage avec un tel sujet... On sent bien la paranoïa ambiante, tout le monde se méfie de tout le monde, c'est bien transposé mais il m'a manqué quelque chose pour que ce film soit à la hauteur de l'histoire qu'il raconte.
Mid 90's de Jonah Hill
J'aime bien l'acteur Jonah Hill, j'avais envie de découvrir son premier film de réalisateur.
Un jeune garçon de 13 ans en pleine rébellion adolescente se trouve une deuxième famille dans une bande de skateurs. Pendant le summer break, les enfants se retrouvent souvent esseulés, les camarades d'école ne sont pas là, les parents travaillent... c'est la saison des découvertes, la saison initiatique, celle durant laquelle un monde nouveau s'ouvre, celle de toutes les libertés. Typique du cinéma américain qui traite souvent ce sujet...
Stevie (époustouflant Sunny Suljic) vit avec sa mère célibataire pas souvent là et son grand frère qui le traite avec brutalité. On les sent tous les deux en manque d'affection et d'attention. Entre admiration pour les skateurs aguerris et désir de se dépasser, Stevie va se révéler parmi cette bande de jeunes un peu losers qui vivent chacun des histoires et une vie pas fun. Le skate est leur passion mais aussi leur espoir d'une vie meilleure.
Stevie va s'affirmer tout en expérimentant tout ce qu'il peut, désobéissance, drogue, alcool, sexe... il part en vrille. On sent le gamin vraiment perturbé qui se cherche quitte à se perdre... Un parcours initiatique, une belle histoire d'amitié, un Stevie qu'on n'oublie pas.
J'ai bien aimé tout en restant sur ma faim, il manque une dimension psychologique au film. Les relations familiales sont peu explorées et j'aurais eu envie de plus...
Un premier film avec du potentiel !
Un tramway à Jérusalem de Amos Gitaï
À Jérusalem, on suit le quotidien d'un tramway qui relie la ville d'est en ouest. Moments de vie ou brèves rencontres, un voyage au coeur d'une ville qui renferme tant d'histoires et d'Histoire...
Je salue le tour de force d'Amos Gitaï pour avoir réussi à raconter l'histoire complexe d'un pays, entre société et Histoire, pluralisme religieux et culturel avec des scènes de tramway, il aborde beaucoup de sujets entre la religion, la paix, la Palestine, le harcèlement, la guerre, la solidarité...
Mais je me suis vraiment ennuyée. Interminable scène avec Pippo Delbono en curé notamment, j'ai trouvé les situations souvent pas naturelles, trop mises en scène et pas crédibles pour la plupart. Même les musiciens chanteurs du tramway ne le sont pas (bon si ça se trouve ils sont ainsi dans ce tramway là !) Si les gens réagissent et parlent comme ça dans la vraie vie c'est déprimant... C'est dommage car il y avait matière à faire plus intéressant... D'habitude j'aime le cinéma et les films d'Amos Gitaï, là c'est sans moi...
Mais vous êtes fous de Audrey Diwan
Roman et Camille sont un couple très amoureux. Il est dentiste à son compte, elle rentre tard de son travail et Roman s'occupe beaucoup de leurs deux petites filles.
Tout semble être parfait mais il y un hic : Roman est addict à la cocaïne. Il gère depuis des années, trompant tout son monde, jusqu'au jour où sa fille cadette se retrouve à l'hôpital suite à une fièvre et des convulsions.
On retrouve des traces de cocaïne chez la gamine, tout s'écroule... Signalement à la police, aux affaires sociales...
Camille (Céline Sallette, aussi belle que très bonne actrice, je l'adore. Son interprétation vaut de voir le film) est interloquée, choquée. Elle subit tout ce qui lui arrive, encaisse et tient debout pour ses filles.
Roman est perdu mais je trouve que son personnage ne prend jamais vraiment conscience de ses actes. Il a clairement besoin d'aide, j'ai eu du mal à comprendre pourquoi il n'a pas de suivi psychologique. Tout est un peu trop centré sur le judiciaire et la procédure.
Dommage que son rôle soit écrit d'une façon trop clinique. Les scènes avec l'avocate je n'y croyais pas par exemple.
Ceci dit, j'ai plutôt aimé et le film raconte une histoire d'amour forte, un couple qui s'aime malgré la situation dramatique. Mais peut-il survivre à ça ? Peut on encore se faire confiance ? Comment ne peut on avoir rien vu, rien deviné jamais ? C'est aussi une autre façon de montrer la façon pernicieuse qu'à la drogue de tout détruire... La toxicité n'est pas que dans le produit consommé...
L'Adieu à la nuit de André Téchiné
Muriel dirige une exploitation de cerisiers et un centre équestre dans le sud de la France. Elle attend avec impatience son petit-fils Alex qui n'est pas venu depuis trop longtemps. Alex sort avec Lila qu'il connait depuis son enfance. Lila travaille dans un Epahd et fait des heures à l'exploitation, elle est musulmane.
Alex vient dire au revoir à sa grand-mère avant de partir s'expatrier au Canada.
Catherine Deneuve incarne une vraie grand-mère poule sans être envahissante, une femme de tête qui perd ses repères lorsqu'elle comprend les desseins de son petit fils. Alex n'a que sa grand-mère, sa mère est morte et son père a refait sa vie en Guadeloupe. Il est clairement déboussolé et c'est son attachement à Lila et à ses valeurs qui le maintient debout. Il s'est trouvé un projet, un but.
Muriel découvre qu'Alex est devenu musulman pratiquant. Elle n'arrive pas à comprendre mais jamais ne le juge. Quand elle réalise que le Canada c'est en fait la Syrie, elle tente de tout faire pour l'en empêcher.
Muriel est perdue et nous avec. Pas facile de décider quoi faire quand on aime ce petit-fils qui compte plus que tout au monde... elle se documente, tente de le raisonner, n'abandonne jamais...
La froideur des sentiments éprouvés par les aspirants djihadistes est terrifiante. D'un côté ils sont respectueux, assidus au travail, doux et de l'autre ils sont méprisants, haineux envers les "mécréants" comme s'ils jouaient un double jeu nécessaire pour passer inaperçu. Le djihad apparaît comme un rêve de gosse, un grand appartement bien meublé c'est le graal. Ces futurs terroristes justifient leur désir de tuer, ils se donnent l'impression d'être des héros alors que la finalité c'est de tuer des innocents... mais rien n'ébranle leurs convictions. La force du groupe qui se soutient et qui s'entretient dans son discours est très importante. Le djihad ne se fait pas en solo.
Le film n'entend rien résoudre ni expliquer, à chacun de juger et de réfléchir sur le sujet. Un film sensible et intelligent qui m'a donné beaucoup d'émotions contradictoires. Catherine Deneuve est fabuleuse.
Chroniques publiées sur Instagram au fur et à mesure...
De ce mois ciné je retiens : Compañeros de Alvaro Brechner, Tel Aviv on fire de Sameh Zoabi, El Reino de Rodrigo Sorogoyen, Les oiseaux de passage de Ciro Guerra et Cristina Gallego, Mid 90's de Jonah Hill et L'Adieu à la nuit de André Téchiné
Et vous ?
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