Mustang, Comme un avion, L'ombre des femmes, La loi du marché / Revue de films
Publié le 24 Juin 2015
Mustang de Deniz Gamze Ergüven
"C'est le début de l'été. Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues.
La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger.
Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées."
Voici un petit bijou de film qui malgré son sujet dur, respire le bonheur et l'espoir. Mustang nous fait entrer dans l'intimité d'une bande de filles entre la préadolescence et le passage à l'âge adulte. Une bande de filles que je ne vais pas oublier de sitôt.
Comme toutes les soeurs du monde, les cinq filles se disputent et se taquinent mais quand il s'agit d'être unies contre la dictature d'un monde masculin conservateur et rétrograde, elles ne font qu'une et se serrent les coudes.
Ces cinq filles crient leur innocence et l'injustice dont elles sont victimes mais elles n'ont pas le choix que de se retrouver enfermées, privées de toute liberté, celle de fréquenteur leurs amis, celle d'aller à l'école, celle de se promener, celle de vivre leur jeunesse. Enfermées entre un oncle buté et une grand-mère et de tantes qui font le jeu des hommes malgré l'amour qu'elle portent aux filles.
Il faut les voir redoubler d'ingéniosité pour braver les interdits et les barreaux. Il faut les voir y croire envers et contre tout. Lale, la plus jeune voit ses soeur partir pour se marier, elle les voit se battre ou se résigner, elle les voit souffrir ou espérer. Elle comprend vite ce qui risque de lui arriver si elle ne fait pas tout pour s'en sortir. Ici l'espoir, c'est la grande ville, Istanbul où les gens semblent plus évolués, où ils sont éduqués, où l'on peut vivre la vie qu'on a choisi. Le but de Lale, sera de s'échapper de sa prison avant qu'il ne soit trop tard, quoi qu'il arrive.
Elle est déterminée cette gamine, déterminée et intelligente, débrouillarde et inventive, comme quand il faut sauver sa vie, comme lorsqu'il s'agit d'une question de vie ou de mort. Avant dêtre cloitrées, les filles allaient à l'école, elles étaient éduquées et elles savent parfaitement que la vie qu'on leur impose n'est pas la vie qu'elles sont en droit d'avoir.
La réalisatrice a su parfaitement capter cette énergie de rebellion d'ado, cette période si sensible et encore plus dans ce contexte. Les scènes avec les cinq filles débordent de cette sensualité typique de l'adolescence, ce monde des possibles où l'on se pose mille questions sur son corps, sur ses désirs... Ces cinq jeunes actrices sont incroyables de justesse et de sensiblité.
J'ai ri, j'ai pleuré, j'ai été émue et bouleversée par ce film. Une bouffée d'espoir immense dans un monde où la liberté des femmes se rétrécit malheureusement de jour en jour dans beaucoup de pays, un monde où les jeunes filles ne peuvent plus rêver...
Un superbe film sur la jeunesse, la liberté, le rêve, l'espoir...
Pourquoi j'y suis allée : parce que c'est tout à fait le genre de films que j'aime et que je suis toujours prête à découvrir les films venus d'ailleurs en dehors du cinéma américain ou européen.
Comme un avion de Bruno Podalydès
"Michel, la cinquantaine, est infographiste. Passionné par l'aéropostale, il se rêve en Jean Mermoz quand il prend son scooter. Et pourtant, lui‐même n’a jamais piloté d’avion…
Un jour, Michel tombe en arrêt devant des photos de kayak : on dirait le fuselage d’un avion. C'est le coup de foudre. En cachette de sa femme, il achète un kayak à monter soi‐même et tout le matériel qui va avec. Michel pagaie des heures sur son toit, rêve de grandes traversées en solitaire mais ne se décide pas à le mettre à l'eau. Rachelle découvre tout son attirail et le pousse alors à larguer les amarres..."
Un joli voyage au bord de l'eau, un voyage initiatique évidemment dans un avion mais sans ailes, un kayak. Michel part dans un délire très personnel et je l'ai suivi à fond.
J'ai beaucoup aimé le côté loufoque et burlesque des situations et la nonchalance absolue de Michel. Rien que la scène de la préparation du kayak avant la mise à l'eau est à mourir de rire.
J'ai embarqué sans hésiter avec lui et pourtant dans l'absolu ce n'est pas le genre de trip qui me fait rêver, dormir sous la tente, l'humidité etc... Par contre toutes les rencontres qu'il va faire sur sa route, ça oui. Il entre dans la vie d'une petite communauté de personnages sympathiques et originaux avec lesquels il va se lâcher. Il n'arrive d'ailleurs pas à les quitter et le running gag qui en découle devient attachant.
C'est l'histoire d'un homme qui fait une parenthèse enchantée hors du temps avant de retrouver son monde.
J'ai vraiment beaucoup ri mais le film m'a touchée plus que je ne l'aurais imaginé. Je me vois très bien à la place du héros, à me faire une petite crise de la cinquantaine et à ne penser qu'à moi pendant une semaine.
Pourquoi j'y suis allée : parce que j'aime l'humour et les films du réalisateur en général
L'ombre des femmes de Philippe Garrel
"Pierre et Manon sont pauvres. Ils font des documentaires avec rien et ils vivent en faisant des petits boulots. Pierre rencontre une jeune stagiaire, Elisabeth, et elle devient sa maîtresse. Mais Pierre ne veut pas quitter Manon pour Elisabeth, il veut garder les deux..."
Que dire... Pierre et Manon sont pauvres, ça oui, on le voit, ils habitent à Paris quand même dans un appartement qui semble plus grand qu'un studio et leurs murs sont délabrés. Et puis le noir et blanc ça accentue la pauvreté, facile...
Pierre rencontre une jeune stagiaire, oui enfin si à presque 30 ans et ça se voit physiquement, on peut encore se considérer comme jeune stagiaire, je ne sais plus quoi dire... Une jeune stagiaire qui au début semble sortir des années 50 mais non, le film se déroule bien à notre époque.
En sortant de la salle je n'étais pas trop énervée, enfin un peu quand même mais avec le recul, décidément non je n'accroche pas. Aucune envie de plaindre ni Manon, ni Elisabeth, vraiment pas. Aucune empathie pour aucun des personnages.
Bref, la critique quasi unanime n'a pas vu le même film que moi.
Pourquoi j'y suis allée : parce que je suis maso ? parce que ça durait 1h15 et que j'avais oublié à quel point j'avais été horripilée par le dernier film du réalisateur, La Jalousie
La loi du marché de Stéphane Brizé
"À 51 ans, après 20 mois de chômage, Thierry commence un nouveau travail qui le met bientôt face à un dilemme moral. Pour garder son emploi, peut-il tout accepter ?"
Le film démarre fort par une scène terrible sur l'impuissance de l'Etat à aider les chômeurs. Et en effet qui a goûté aux joies de Pôle Emploi et de ses formations mal orientées peut témoigner que ce n'est pas du tout du cinéma. Idem quand la banquière très au fait de la situation précaire de son client, essaie quand même de lui fourguer un contrat d'assurance décès, là encore ce n'est pas du cinéma. Ces entreprises qui fliquent leurs salariés et où les caissières sont virées à cause de l'utilisation des bons de réduction, ce n'est toujours pas du cinéma.
C'est peut être ce qui fait que j'ai bien aimé le film mais que j'ai eu le sentiment de l'avoir déjà vu plusieurs fois. Les rares moments qui sont censés être joyeux sont plombants, un peu comme feu l'émission Streap Tease de France 3.
Le côté cinéma social et documentaire est omniprésent et même si on apprécie l'indéniable très bon jeu de Vincent Lindon on n'est jamais emporté plus que ça par cette peinture sociale qui n'est qu'un miroir terne de la réalité.
C'est bien oui mais j'attendais quelque chose de bien plus fort et percutant.
Pourquoi j'y suis allée : pour Vincent Lindon